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Refuser l’échec scolaire : redonner une nouvelle ambition pour l’éducation

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Chaque année en France, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification. Soit un élève sur cinq. Nous pourrions également citer les piètres résultats obtenus par notre pays dans les classements mondiaux de type PISA (même si les critères évalués peuvent prêter à discussion) et les comparer à notre deuxième place mondiale derrière le Japon en terme de stress pour les écoliers et étudiants français.

Que de souffrances pour ces jeunes, que de parcours de vie et d’ambitions brisées, que de familles désemparées. L’angoisse de la réussite scolaire, elle, s’étend à toute la population, devenant de plus en plus forte, jusqu’à en être parfois insoutenable, nourrissant le business des cours privés comme le pointait l’an dernier un rapport du Conseil de l’Emploi, des Revenus et de la Cohésion Sociale présidé par Jacques Delors [1].

Il est vrai que les enjeux de diplômes et d’acquisitions de solides compétences n’ont jamais été aussi forts, dans une société au taux de chômage élevé, particulièrement chez les jeunes, aux parcours professionnels devenus non linéaires, une société où la maîtrise de savoirs toujours plus complexes et diversifiés est désormais un requis pour l’accès à l’emploi. Plus globalement, nous savons que l’économie mondiale passe d’un stade industriel basé sur la capacité de production, à une économie de la connaissance où la compétitivité d’un pays se mesurera à l’aune de sa capacité à former qualitativement le plus grand nombre.

Aussi la question de la réussite scolaire pour tous, devient-elle un enjeu central pour toute la société française.

Pourtant, en France, on considère davantage l’éducation comme un problème irrésoluble que comme une opportunité. Les débats autour des difficultés de notre système se cantonnent souvent dans une suite d’accusations et de clichés : enseignants incompétents, parents démissionnaires, enfants démotivés... Hélas, ces présupposés, au demeurant démentis par toutes les études sérieuses sur ces questions, servent trop souvent de postulats à nos politiques éducatives.

Pour tous ceux qui, comme l’Afev, travaillent au quotidien sur le terrain, il devient urgent de changer cette façon de voir l’école qui divise au lieu de rassembler, pour redonner confiance à tous les acteurs de l’éducation.

Comment construire une politique éducative ambitieuse si nous ne croyons pas aux acteurs qui la porteront sur le terrain ? Notre association le constate chaque jour : même dans les quartiers les plus en difficultés, l’énergie est là, le potentiel est énorme. Derrière le découragement affleurent l’envie et la détermination des enfants, des familles, des enseignants. Sans nier les difficultés, sans donner une vision angélique, on se rend compte que pour certains enfants la frontière entre spirale de l’échec et spirale positive est très ténue. De ce point de vue, l’étude menée l’an dernier [2] sur l’impact de l’action d’accompagnement menée par les 7500 étudiants bénévoles de l’Afev auprès de jeunes en difficulté est éloquente. Le « simple » accompagnement d’un enfant par un étudiant deux heures par semaine, permet une remobilisation de l’enfant par rapport à son parcours scolaire, et des changements positifs et rapides dans ses résultats. Non pas que l’action de l’Afev soit miraculeuse, mais parce que l’envie et le potentiel sont là, assurément, qui ne demandent souvent qu’à être activés.

Comment construire une politique éducative ambitieuse sans chercher à renforcer les liens entre tous les acteurs impliqués ? Comme le dit Philippe Meirieu « dans le domaine éducatif, la responsabilité ce n’est pas comme un gâteau. Dans un gâteau, plus j’en prends, moins il en reste. En matière éducative, plus chaque acteur joue son rôle, le mieux possible, et plus les autres peuvent jouer le leur ». L’une des clés de la réussite d’un parcours scolaire tient, nous en sommes convaincus, dans la qualité du lien qui s’établit entre la famille et l’école et dans leur compréhension réciproque. Le renforcement du lien doit devenir une vraie priorité. A cet égard la suppression de l’école du samedi matin est réellement problématique.

Comment peut-on construire une politique éducative ambitieuse sans intégrer que le problème de certains enfants n’est pas leur appétence pour l’apprentissage, mais bien leur sentiment de décrochage et d’impuissance face à des enseignements qu’ils ne comprennent pas ? Le baromètre du rapport à l’école des enfants des quartiers populaires que notre association vient de réaliser auprès de 700 jeunes suivis par ses bénévoles [3] montre l’immense désarroi des enfants en difficultés scolaires : 85% ne comprennent pas toujours ou jamais ce qui leur est demandé en classe. Ces élèves se réfugient souvent alors dans des attitudes de réserve, voire de repli. Pas moins de 30% d’entre eux « ne lèvent jamais ou pas très souvent le doigt en classe ». Un peu comme s’ils choisissaient, faute d’y trouver leur place, de se mettre d’eux-mêmes en retrait de l’école.

Comment peut-on construire, enfin, une politique éducative ambitieuse sans lui donner une vision portée vers les enjeux du vingt et unième siècle, sans redonner une ambition collective à l’ensemble de la chaîne éducative, de la maternelle à l’université, de l’enseignement général à l’enseignement technique. Au début du siècle dernier, les fameux « hussards noirs de la République » portaient ses valeurs et son projet central d’une éducation pour tous. Le monde a profondément muté, et il n’est pas question pour nous de se placer dans la simple imitation de schémas anciens. Mais bien plutôt de se placer dans la même démarche des pères de l’école laïque, pour repenser une école en adéquation avec les besoins et les valeurs de notre société. Il faut redonner à nos politiques éducatives nationales et territoriales, un souffle, une envie, une confiance. Une ambition.

La Journée du Refus de l’Echec Scolaire que nous organisons tous les
ans en septembre se veut porteuse d’une triple détermination : redonner la parole aux acteurs éducatifs : enseignants, familles, enfants, associations d’éducation populaire ; promouvoir les actions qui fonctionnent ; remettre enfin l’éducation et la réussite de tous au cœur du débat public et politique. Ces trois axes peuvent constituer les fondements de ce que l’on appellera, pour reprendre une expression en vogue, une politique d’éducation « positive ». Pour qu’en matière d’éducation du moins, notre société puisse enfin passer d’une société de la défiance à une société de la confiance.

AFEV - Baromètre 2008

- Site de l’Association de la Fondation Etudiante pour la Ville (AFEV)
- Table Ronde - Education et recherche : quelle démocratisation du savoir ?

L’Afev Grenoble organise la Fête des Solidarités Locales le
mercredi 6 mai sur le campus universitaire. L’objectif de la journée
est de valoriser l’engagement des jeunes dans la vie citoyenne de la
Cité.




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Notes

[1Rapport du CERC de janvier 2008, Les Services à la Personne, Documentation française

[2Rapport du CERC de janvier 2008, Les Services à la Personne, Documentation française

[3Premier baromètre du rapport à l’école des enfants des quartiers populaires, enquête réalisée au printemps 2008 par le cabinet Trajectoires-Reflex auprès de 700 enfants suivis par l’Afev. Publication le 24 septembre dans le Parisien et sur le site www.refusechecscolaire.org

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