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« Accentuer les politiques publiques de l’environnement »

Entretien avec Jean-Paul Bozonnet
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Jean-Paul Bozonnet analyse la situation actuelle des politiques environnementales et pointe les contradictions qui existent dans le monde de l’écologie. Conscient qu’une majorité de la population attend des mesures écologiques plus fortes, il réclame une intensification de ces politiques afin de changer les modes de vie des citoyens.

Jean-Paul Bozonnet est sociologue, membre du laboratoire PACTE. Maître de conférence à l’IEP de Grenoble, il est spécialiste de l’écologie, de l’environnementalisme ainsi que des opinions et des valeurs dans la société civile. Entretien réalisé le 01/04/2009.

Peut-on parler de renouveau des politiques publiques de l’environnement ?
Jean-Paul Bozonnet - Oui, on peut dire que l’on assiste à un véritable renouveau des politiques publiques de l’environnement. Il existe une impulsion forte en France et aussi au niveau international, malgré les nombreux freins qui ont été mis par l’administration Bush. En France, le président de la République a saisi la question environnementale au vol avec le Grenelle de l’Environnement. Maintenant, comment ce renouveau va se traduire dans les faits ? C’est un autre problème…


Justement, comment analyser ce Grenelle et les applications des différentes mesures ?

JPB - On peut voir ce Grenelle de différentes facettes. Tout d’abord, c’est une sorte de hold-up de la majorité, qui a détourné le pré carré des verts. Maintenant, il ne faut pas être aussi mauvaise langue que certains. Il y a eu, certes, un effet d’annonce, une dimension politiquement intéressée mais le Grenelle a eu beaucoup plus d’impact que cela. Il symbolise également une volonté politique forte au niveau des politiques publiques de l’environnement. Il serait trop limité de croire que ce n’est que l’affichage ou de la com’ malgré la légèreté des mesures.

Une légèreté des mesures ?
JPB - Oui, on n’a pas eu des mesures contraignantes et fortes mais des mesures « équilibrées », comme le bonus-malus pour les voitures. On a également eu dans le passé des mesures pas forcément appliquées (ex : limitation de vitesse les jours de pollution), oubliées (ex : Pastille verte). Bref, du point de vue de l’application de la législation, je trouve cela souple, pour ne pas dire mou…

Pourquoi ne peut-on pas prendre des mesures contraignantes ?
JPB - En réalité, l’écologie est un monde à part dans le monde politique. C’est un domaine qui est également différents des autres secteurs. Il y a plein d’intérêts contradictoires. C’est un point important et intéressant. On ne peut aller contre l’intérêt de certains groupes industriels, agriculteurs… Il ne faut également pas braquer les électeurs. Bref, tout le monde veut une politique de l’environnement mais personne ne veut la mettre ne pratique !

« Le gros blocage vient de la société civile »


Peut-on dépasser ces intérêts contradictoires, avec notamment la puissance des lobbies ?

JPB - Le véritable problème ne vient pas des lobbies. L’écologie n’est pas contradictoire avec l’économie. Il y a déjà eu des accords au niveau européen et il y en aura d’autres. Ce sont des petits blocages qui peuvent se résoudre. Le gros blocage vient de la société civile : les citoyens ne veulent pas réduire leur consommation d’un coup !

Ne manque t-il pas alors une volonté du coté des citoyens ?
JPB - Mais il y a une écrasante majorité de Français qui supporte une politique environnementale plus forte. Ils pensent que l’Etat n’en fait pas assez, qu’il n’y a que des « mesurettes ». Mais là encore, il existe des contradictions fortes : dès que des mesures fortes sont prises, des groupes de citoyens vont contester vivement. On a pu le voir avec la réduction des voitures dans le centre-ville de Grenoble. Il y a une pression souterraine de certains mouvements, qui sont de type NIMBY (Not In My Back Yard)


Quelle est alors la solution pour réellement intensifier les politiques environnementales ?

JPB - Il faut mettre l’accent sur les politiques publiques de l’environnement pour changer les modes de vie des gens. Les pratiques environnementales n’ont pas forcément changé par rapport aux dernières décennies. En revanche, elles se sont intensifiées grâce aux politiques publiques. On ne peut penser les pratiques individuelles sans les politiques publiques. Un exemple simple : pour la première fois depuis des années, on a eu une baisse de la circulation automobile en agglomération. C’est un résultat obtenu grâce à une politique de transports ambitieuse. « Conscientiser » les gens sur le problème de l’environnement ne sert à rien : ils le sont déjà tous vis-à-vis du danger. Il faut donc accélérer les politiques publiques pour que les gens aient envie de changer. On ne va pas non plus créer un ministère des ressources naturelles comme au Canada, cela ne servirait à rien chez nous étant donné les différences entre les deux pays. On peut, en revanche, écologiser le ministère de l’Agriculture, qui gère nos principales ressources naturelles.

Voir à ce sujet la table ronde « Les Ressources naturelles, un bien commun ? »




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