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La fin de la télévision

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La télévision est en train de disparaître sous nos yeux, sans que nous en soyons tout à fait conscients. Elle se noie dans un océan d’écrans, de terminaux, de réseaux et de portables. Elle explose en bouquets de programmes, se fragmente en chaînes ultra-thématiques, se désarticule en vidéo à la demande, se package en service push sur le mobile, se télécharge sur Internet, se podcaste sur l’i-Pod, s’individualise en blog et vlog... Elle est partout et nulle part. Nous entrons dans un monde d’images omniprésentes et de média absent. Toujours plus d’images et toujours moins de télévision. Nous allons connaître une société sans télévision.

Introduction

La télévision est en train de disparaître sous nos yeux, sans que nous en soyons tout à fait conscients. Elle se noie dans un océan d’écrans, de terminaux, de réseaux, de portables et de mobiles. Elle explose en bouquets de programmes ; elle se fragmente en chaînes ultrathématiques ; elle se désarticule en vidéo à la demande ; elle se « package » en service push sur le mobile ; elle se télécharge sur Internet ; elle se podcaste sur l’i-Pod ; elle s’individualise en blog et en vlog...

Elle est partout et nulle part. Nous entrons dans un monde d’images omniprésentes et de média absent. Toujours plus d’images et toujours moins de télévision. Nous allons connaître une société sans télévision. Ce n’est pas la télévision en tant que technologie qui disparaît, mais la télévision en tant que média : la télévision, outil de focalisation des sociétés modernes, celle qui, par exemple, le 20 juillet 1969, rassembla toute la planète devant les premiers pas d’Armstrong sur la Lune, ou celle qui réunit quotidiennement des millions de téléspectateurs devant les journaux de 20 heures.

Il y a vingt ans, en France, il n’existait que trois chaînes, toutes publiques. Le contrôle politique de ce nouveau média était une obsession, et sa fonction de lien social, une nouveauté [1]. Depuis lors, la télévision a connu des évolutions considérables, mais son principe de fonctionnement et son modèle économique sont restés stables. En revanche, la relation du téléspectateur à la télévision a changé progressivement vers toujours plus d’autonomie, d’interaction et de désenchantement, jusqu’à devenir inconstante et précaire. À mesure que décline la capacité du média à organiser les soirées de son public, à lui fixer des rendez-vous et à tenir les horloges de son temps libre, celui-ci se fait plus infidèle et plus capricieux.

Donner une définition précise de la télévision peut sembler inutile, tant l’objet est familier et son usage quotidien. C’est pourtant indispensable si l’on veut comprendre pourquoi et comment elle commence à décliner. La télévision est un moyen de diffusion de contenus vidéo contrôlé par des sociétés publiques ou privées, titulaires de licences de diffusion délivrées par une autorité publique, achetant des droits de diffusion ou produisant des programmes, et agençant ces programmes à destination d’un public défini. Ce travail de production, d’assemblage et de diffusion, mené par des professionnels, est rémunéré soit par la publicité, soit par l’impôt (la redevance), soit par l’abonnement.

Ce principe et ce modèle étaient jusqu’alors uniques ou hégémoniques. Ils sont à présent concurrencés par d’autres principes et d’autres modèles, dont certains semblent économiquement plus performants et plus en phase avec les aspirations du public. Il ne s’agit pas seulement de la multiplication des réseaux et des terminaux, ni de la baisse spectaculaire des coûts de diffusion ; la télévision perd aussi son indépendance économique et commerciale face aux nouveaux acteurs du numérique. La spécificité professionnelle se désagrège aussi bien dans l’information que dans le divertissement. Ce livre est consacré à l’exploration des débuts de cette révolution.

Pourquoi et comment la télévision disparaît-elle ? Que se passera-t-il sur les écrans quand le média dominant cessera d’être dominant ? À quoi ressemblera notre société sans ce lien social obligatoire, devenu presque une habitude et un pli de la conscience collective ? Quelles seront les conséquences sociales et politiques de la disparition de ce formidable instrument de polarisation des attentions et de synchronisation des débats, lieu d’affrontements des opinions, qu’était la télévision ? Quelle image la société se fera-t-elle d’elle-même dans ce monde sans télévision ?
Ce livre ne répondra bien sûr pas à toutes ces questions, mais il s’efforcera de les poser dans un cadre qui les rendra plus intelligibles, voire à certains moments - pourquoi pas ? - intéressantes. Elles concernent, en tout cas, au-delà même de la télévision, la redéfinition des frontières de notre espace public.




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Notes

[1J.-L. Missika, D. Wolton, La Folle du logis, la télévision dans les sociétés démocratiques, Gallimard, 1984.

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